Richard Malle
Global Head of Research

L’intelligence artificielle (IA) est la technologie qui modèlera le monde de demain. Alors qu'en 2015 le marché pesait 200 millions de dollars, une étude menée par Tractica en 2017 estime qu’il s'élèvera à près de 90 milliards de dollars en 2025. Utilisée à bon escient et dans le respect de la vie privée, elle peut révolutionner nos façons de vivre, dans notre quotidien, à la maison, dans la ville de demain et au bureau. Si la tendance n’en est encore qu’à ses prémices, le bâtiment, qu’il soit tertiaire ou résidentiel, est aujourd’hui conçu pour interagir avec son environnement. Or, pour qu'un immeuble devienne véritablement smart, le flux des données – générées ou reçues au travers de l’IA – doit être valorisé. Centraliser, analyser et structurer la donnée de manière lisible permet aujourd’hui d'imaginer de nouveaux services, qui optimisent notamment le confort des utilisateurs. Alors que les volumes de données explosent, que permettra le data management dans le développement de nouveaux services aux occupants ? Et quel rôle jouera l’IA ? 

Le « tout data » : l’exemple des espaces de coworking

S’il y a un secteur qui fait usage de la data pour modeler les espaces et services qu’il offre à ses clients, c’est bien celui du coworking. Au-delà de proposer des tiers-lieux aux travailleurs nomades, freelances, start-upers et salariés de grandes entreprises, les acteurs du coworking font de l’utilisation de la donnée le point névralgique de leur stratégie immobilière et de développement. Pour cela, leurs immeubles sont équipés de capteurs qui enregistrent le nombre de personnes présentes, le temps passé dans chaque salle, le taux de vacance des postes de travail ou encore les déplacements entre les différents immeubles de la même marque.

Leurs interrogations sont simples. Pourquoi construire d’immenses salles de réunion lorsque leur occupation moyenne n’excède souvent pas plus de quatre personnes ? L’ensemble des données monitorées est analysé au profit de l’agencement des espaces pour mieux correspondre aux comportements des utilisateurs, mieux répondre à leurs attentes et finalement gagner leur fidélité tout en rationalisant les coûts. Loin de réserver la production de data à la seule machine (les capteurs dans les salles de réunion par exemple), beaucoup comptent sur leurs clients pour remonter de l’information qualitative. Sur l’application qu’il remet à chaque usager, l’américain WeWork permet de noter les salles de réunion et, en cas de note faible, de laisser un commentaire*.

Les données au service de la rentabilité

Les données de l’ensemble des immeubles où est installé WeWork dans le monde sont agrégées et comparées entre elles pour en tirer une analyse prédictive de l’utilisation des espaces et surtout de la rentabilité des différents actifs. Quels immeubles attirent le plus de coworkers : ceux avec le plus de salons ou ceux avec le plus de cabines silencieuses où les plaintes sur les nuisances sonores sont les moindres ? La réponse est fournie par l’intelligence artificielle grâce à un réseau de neurones artificiels et une task force de data scientists*.

La vitesse de développement de ses acteurs leur permet d’appliquer cette stratégie de l’hyper-flexibilité lors de l’acquisition d’un nouvel actif où toutes les tendances monitorées à partir de leur portefeuille d’espaces sont utilisées pour garantir la rentabilité de celui-ci.

Green data : l’immeuble écoresponsable autonome

Historiquement, les premières données numériques qui ont été collectées et exploitées au sein d’un immeuble de bureaux ont été celles liées aux consommations énergétiques du bâtiment. En effet, à partir des années 2000, les préoccupations environnementales au sujet de la raréfaction des ressources naturelles et du réchauffement climatique, les engagements internationaux (Protocole de Kyoto en 1997, Accord de Paris en 2015...) et les réglementations européennes (paquet climat-énergie en 2008) ont concouru à l’apparition d’une nouvelle génération de bâtiments appelés les green buildings. La mise en place de l’éco-responsabilité de l’immeuble a démarré par des pratiques simples telles que l’amélioration de l’isolation ou l’installation de panneaux photovoltaïques générateurs d’énergie renouvelable. Ce que l’intelligence artificielle va apporter à l’immeuble de demain, c’est sa capacité à s’auto-diagnostiquer pour optimiser ses consommations et améliorer les conditions de travail de ses occupants. Car aujourd’hui, le smart building ne se limite plus à maîtriser et optimiser ses consommations d’énergie, il place l'utilisateur au centre de ses recommandations.

Users data : l’immeuble plateforme de services

Lorsque l’on demande à un utilisateur ce qu’il attend d’un immeuble de bureau, force est de constater que ses attentes sont d’ordre plutôt pragmatique : une bonne connectivité pour accéder facilement au réseau interne et au Wifi n’importe où dans l’entreprise, un ordinateur performant et des salles de réunion disponibles font souvent partie des premières réponses données. L’intelligence artificielle va venir renforcer l'expérience utilisateur en analysant ses besoins et en y répondant par des solutions au plus proche de ses préoccupations.

On peut distinguer trois phases évolutives de l’intelligence artificielle :

  • La résolution d’un problème. Il fait froid, le chauffage augmente automatiquement la température de la pièce. Il fait chaud, la climatisation se met en marche. La pièce est vide, la lumière s’éteint.
  • La machine apprend à partir d’algorithmes programmés par l’humain au fur et à mesure des situations rencontrées. Ces algorithmes vont prédéfinir des modèles ou autrement dit des situations et élaborer des scenarios de réponse. C’est ce qu’on appelle le machine learning. Par exemple, en cas de départ de feu, des panneaux lumineux indiquent quel chemin suivre en fonction des zones incendiées.
  • La machine apprend de façon automatique. On passe au deep learning, qui ne nécessite plus de programmation préalable et qui, grâce à l’intégration d’un grand nombre de données (big data) va lui permettre de produire seule des modèles prédictifs. C’est le cas des systèmes de reconnaissance vocale ou faciale ou encore des voitures autonomes.

Big data : l’immeuble apprenant

La puissance de l’intelligence artificielle vient de sa capacité à croiser une masse de données produites par des objets connectés qui vont nourrir un algorithme pour qu’il puisse apprendre et s’adapter tout seul en fonction des éléments qui lui sont transmis. On passe de la détection à la prédiction. On passe d’un immeuble classique à un immeuble autonome. Chekib Gharbi, directeur général du centre d'innovation des technologies sans contact, cluster dédié à l'internet des objets, parle d’un « immeuble apprenant » pour définir la manière dont celui-ci évolue dans une logique d’amélioration continue tant pour la protection de l’environnement que pour le bien-être de ses occupants. La principale difficulté réside dans la différence de temporalité entre les technologies qui évoluent vite et l’immobilier dont la temporalité beaucoup plus longue oblige les professionnels à se projeter dans un avenir parfois flou où certaines technologies à la mode un temps sont, dix ans plus tard, devenues quasiment obsolètes. La réponse se trouve certainement dans l’interopérabilité, notion largement débattue mais encore peu développée, la mise en pratique s’avérant plus compliquée que sur le papier.

L’intelligence artificielle va venir renforcer l'expérience utilisateur en analysant ses besoins et en y répondant par des solutions au plus proche de ses préoccupations.

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Richard Malle
Chief Research Officer

Le smart building dans la smart city : l’immeuble conversationnel

L’intelligence artificielle intègre davantage l’immeuble de bureau à son environnement extérieur : la connectivité fait le lien entre le bâtiment et son territoire. Le smart building est l’une des composantes de la ville du futur, la smart city. Raccordé au réseau d’électricité de la ville (smart grid), l’immeuble contribue à une gestion raisonnée et responsable de l’énergie au niveau local par le biais d’un équilibrage entre le parc immobilier et les infrastructures urbaines (lampadaires, bornes de recharge électriques, etc.). Demain, un immeuble de bureaux pourra aussi pratiquer l'open data et par exemple mettre à disposition de sa collectivité d’accueil les données qu’il produit sur ses consommations énergétiques pour une optimisation plus globale de celles-ci ou sur les places de parking disponibles pour y accueillir les riverains.

L’immeuble de bureaux devient conversationnel au sens figuré comme au sens propre lorsque par exemple l’entreprise participe aux plateformes collaboratives de la ville et s’intègre alors au débat public local.

Une utilisation de la data oui, mais respectueuse de la vie privée

Parce qu’elle se fonde sur le traitement de données, l’intelligence artificielle pose la question de la protection de la vie privée, sujet d’autant plus incontournable depuis l’entrée en vigueur, en mai 2018, du règlement européen général sur la protection des données (RGPD), véritable défi pour les entreprises qui a permis une prise de conscience citoyenne. La manipulation des nouvelles technologies doit se faire avec intelligence et sur ce point, l’humain reste maître.

 

* Source : "Spatial Analytics: New Ways of Understanding Architecture at WeWork R&D", 2016

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