Dans un contexte de lutte contre le dérèglement climatique, de raréfaction des ressources, mais aussi de tensions géopolitiques et d’inflation galopante des prix de l’énergie, les enjeux de sobriété et d’efficacité énergétique sont plus que jamais d’actualité. Responsable de 43% de l’énergie finale totale consommée [1], tout en étant à l’origine de 30% des émissions de CO2 annuelles [2], le secteur de l’immobilier français – de la conception à l’utilisation en passant par la construction – est un acteur clé de la lutte contre le réchauffement climatique. Afin de réduire drastiquement notre consommation d’énergie et notre empreinte carbone, il est essentiel de rénover massivement le parc immobilier existant ancien, tout en optimisant son exploitation et son usage.
Dans le but d’inciter, voire d’obliger les différents acteurs du secteur de l’immobilier à tendre vers la sobriété énergétique, la Commission européenne impose depuis 2010 aux Etats membres de définir des exigences minimales optimales en matière de performance énergétique des bâtiments, révisables tous les 5 ans (Directive 2010/31/UE sur la performance énergétique des bâtiments). C’est dans ce sens que la France a mis en place plusieurs réglementations en matière d’économies d’énergie des bâtiments, dont le décret tertiaire que nous allons décrypter ici.
Qu’est-ce que le décret tertiaire ?
Consommation énergétique des bâtiments tertiaires réduite
Venant préciser les modalités d’application de l’article 175 de la loi ELAN (Evolution du Logement, de l’Aménagement et du Numérique) votée en 2018, le décret tertiaire, ou « dispositif éco-énergie tertiaire » – publié le 23 juillet 2019 dans le Journal Officiel et entré en vigueur le 1er octobre 2019 – fixe des objectifs ambitieux et les conditions de leur suivi, en imposant une réduction progressive (en valeurs relative ou absolue) de la consommation énergétique des bâtiments à usage tertiaire français aux horizons 2030, 2040 et 2050.
Quels sont les bâtiments concernés par le décret tertiaire ?
Bâtiments neufs et anciens
Avant la promulgation du décret tertiaire, les réglementations en vigueur portant sur l’efficacité et la sobriété énergétiques ne concernaient que les bâtiments neufs. Le « dispositif éco-énergie tertiaire » rend désormais obligatoire la mise en place d’un plan d’actions visant à atteindre la sobriété énergétique des bâtiments du tertiaire, neufs comme existants, dans le but de décarboner le secteur.
Quels sont les publics ciblés par le décret tertiaire ?
Propriétaires et locataires
Le décret tertiaire intègre aussi bien les propriétaires que les occupants et exploitants de bâtiments, ou parties de bâtiments (portions de bâtiment, étages ou portions d’étages), à usage tertiaire dont la surface est égale ou supérieure à 1 000 m². Sont concernés par l'atteinte des objectifs énergétiques du décret tertiaire [3] aussi bien les propriétaires et locataires que les tierces parties telles que les prestataires de services :
- Propriétaires et locataires de bâtiments à usage privé,
- Collectivités territoriales et locales,
- Services de l’Etat,
- Professionnels du bâtiment,
- Maîtres d’œuvre / Maîtres d’ouvrage,
- Bureaux d’étude thermique,
- Sociétés d’exploitation,
- Gestionnaires immobiliers,
- Gestionnaires de réseau de distribution d’énergie.
Quelles sont les classes d’actifs prises en compte par le décret tertiaire ?
Tous les bâtiments sont concernés par le « dispositif éco-énergie tertiaire », dès lors que la surface cumulée des bâtiments, allouée à un usage tertiaire (bureaux, restauration, santé, justice, éducation, hôtellerie…) présente une superficie, exclusive ou cumulée, supérieure ou égale à 1 000 m². Les bâtiments à usage mixte qui hébergent des activités tertiaires sont eux aussi visés.
Quelques exceptions existent. Celles-ci se limitent aux seules constructions à usage temporaire comme les constructions précaires, les lieux de culte, les bâtiments classés et les activités à usage opérationnel à des fins de défense, de sécurité civile ou de sûreté intérieure du territoire [4].
Quels sont les objectifs d’économie d’énergie en valeur relative ?
40% en 2030, 50% en 2040 et de 60% en 2050
A différentes échéances, fixées par décennies, les objectifs du décret tertiaire en valeur relative prévoient la réduction progressive des consommations énergétiques des bâtiments à usage tertiaire de 40% d’ici 2030, 50% d’ici 2040 et de 60% d’ici 2050. Cette réduction inclue les caractéristiques du bâtiment ainsi que l’ensemble des usages énergétiques sur une année. Elle se calcule par rapport à une année de référence (au choix de l’assujetti), devant se situer entre 2010 et 2020.
De plus, l’obligation de diminution de la consommation d’énergie finale est ajustée selon les variations climatiques (modalités de correction définies par arrêté), et qualifiée par les données d’occupation et d’intensité d’usage correspondantes renseignées par les assujettis [5].
Quels sont les objectifs d’économie d’énergie en valeur absolue ?
Des exigences propres à chaque secteur d’activité
Le décret tertiaire offre également la possibilité d’atteindre un seuil de consommation d’énergie finale déterminée en valeur absolue, exprimé en kWh/m²/an. Les valeurs à respecter sont fixées pour chaque catégorie d’activité par arrêté avant le début de chaque décennie, et les objectifs doivent être atteints à chaque échéance (2030, 2040, 2050).
L’obligation de réduction de la consommation d’énergie finale inclue tous les usages énergétiques sur une année, et tient compte d’indicateurs d’intensité d’usage propres à chaque typologie d’activité.
L’arrêté modificatif « Valeurs absolues I » paru le 17 janvier 2021 qualifie les valeurs absolues de consommation d’énergie à atteindre pour certains secteurs d’activité (Enseignement, bureaux de services publics et logistique) pour 2030. L’arrêté « Valeurs absolues II », paru le 22 avril 2022 complète et précise les niveaux d’exigence fixés en valeur absolue des autres catégories d’activités [6].
A titre d’exemple un bâtiment de bureaux standards en région parisienne prévoit une consommation d’énergie finale maximale en 2030 de 107 kWh/m²/an. Le calcul de l’objectif en valeur absolue est le suivant : Cabs = CVC + USE
- Cabs : Consommation absolue ;
- CVC : Climatisation, Ventilation, Chauffage (composante climatique selon la localisation) ;
- USE : Usages Spécifiques de l’Energie (autres usages que CVC et selon l’activité tertiaire concernée).
Des objectifs de réduction de la consommation d’énergie modulables
Contraintes techniques, changement d’activité, coûts
Les objectifs de réduction de la consommation énergétique d’un bâtiment à usage tertiaire peuvent être modulés en fonction :
- De contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales ;
- D’un changement de l’activité exercée dans ces bâtiments ou du volume de cette activité ;
- De coûts manifestement disproportionnés des actions par rapport aux avantages attendus sur les consommations d’énergie [7].
La modulation des objectifs en fonction du volume de l’activité est effectuée automatiquement sur la plateforme numérique OPERAT (Observatoire de la performance énergétique, de la rénovation et des actions du tertiaire) gérée par l’Ademe (Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie), selon le renseignement des indicateurs d’intensité d’usage. Les autres modulations doivent faire l’objet d’un dossier technique.
Comment réduire la consommation d’énergie dans le cadre du décret tertiaire ?
4 leviers d’actions pour atteindre les objectifs
Tout d’abord, il est nécessaire de rappeler la nature du décret tertiaire, qui établit une obligation de résultats et non de moyens. En fixant une valeur à atteindre et non une démarche à entreprendre, les assujettis ont donc la liberté de décider des moyens à mettre en œuvre, du moment que l’objectif est atteint. Plusieurs méthodes permettent aux entreprises d’avoir différents leviers d’actions pour réduire leur consommation énergétique :
- Améliorer la performance énergétique du bâtiment via des travaux sur l’enveloppe du bâti (isolation, menuiserie, protection solaire...) ;
- Installer des équipements performants (chauffage, eau chaude, éclairage, refroidissement, procédés...), des dispositifs de contrôle et de gestion active de ces équipements ;
- Optimiser l’exploitation des équipements (contrat d’exploitation avec objectif de résultat, suivi attentif de la gestion active des équipements...) ;
- Adapter les locaux à un usage économe en énergie (adaptation de l’éclairage au poste de travail, extinction automatique de l’éclairage et des postes après fermeture...) et inciter les occupants à adopter un comportement écoresponsable (réduction du stockage des données informatiques, extinction des équipements...) [8] .
Par ailleurs, des dispositifs d’aides, de subventions et d’accompagnement (CEE, PEE, Ademe, France Relance, CCI, chambre des métiers, fournisseurs d’énergie, Bpifrance, région, Etat…) existent pour mener à bien ces actions de travaux ou de rénovation énergétiques. Plus généralement, la plateforme OPERAT accompagne et aide les assujettis dans les démarches en mettant notamment à disposition : un guide d’accompagnement, les étapes clés, une FAQ, des fiches retours d’expériences… Un récapitulatif des aides financières mobilisables y est également disponible.
Quelles sont les obligations liées au décret tertiaire ?
Obligations de déclarations et de transparence
A partir de septembre 2022, propriétaire, bailleur et occupant devront déclarer annuellement les consommations énergétiques des bâtiments concernés par le décret tertiaire, sur la plateforme numérique OPERAT. La première échéance de remontée des données de consommations énergétiques des organismes concernés aura lieu le 30 septembre 2022 pour les années 2020 et 2021. A cette première déclaration devra être joint un récapitulatif des principales données caractéristiques de l’immeuble (données administratives et données techniques, le récapitulatif et les références des points de livraison des énergie utilisées).
En retour, la plateforme OPERAT vous fournit une attestation annuelle des consommations ajustées en fonction des variations climatiques propres à chaque situation, et selon les objectifs à atteindre. Cette attestation est complétée par une évaluation de l’émission des gaz à effet de serre, et par la notation Eco Energie Tertiaire qui qualifie l’avancée dans la démarche de réduction de la consommation énergétique, selon 5 niveaux (d’insatisfaisant à excellent).
Enfin, cette attestation devra être portée tous les ans à connaissance des utilisateurs de l’immeuble. Elle devra par ailleurs être obligatoirement jointe à tous actes portant sur la cession ou la location de locaux tertiaires.
Quels sont les risques en cas de non-transmission ou de non-conformité au décret tertiaire ?
Amende administrative et Name & Shame
En cas de non-transmission des informations sur la plateforme OPERAT ou de non-remise d’un programme d’actions en cas de non-atteinte des objectifs, un dispositif de sanction reposant sur le principe du Name & Shame s’applique à l’assujetti, après mise en demeure. La liste des personnes n’ayant pas respecté leurs obligations sera alors donnée sur un site dédié.
Le dispositif de sanction peut être complété, pour non-respect du programme d’actions, par une amende administrative allant jusqu’à 1 500 euros pour les personnes physiques et 7 500 euros pour les personnes morales.
[1] Ademe, Chiffres clés Climat, Air, Énergie, 2017
[2] http://www.carbone4.com/article-batiment-snbc/
[3] 20064_EcoEnergieTertiaire-4pages-2-1.pdf (ecologie.gouv.fr)
[5] 20064_EcoEnergieTertiaire-4pages-2-1.pdf (ecologie.gouv.fr)
[6] Décret tertiaire : un nouveau projet d’arrêté modificatif « Valeurs absolues I » (citron.io)
[7] 20064_EcoEnergieTertiaire-4pages-2-1.pdf (ecologie.gouv.fr)
[8] Idem
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